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La lettre du mois d'octobre 2016 |
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Jehan-Denis BARBIER Docteur en droit Avocat à la Cour |
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Par un arrêt du 8 septembre 2016 (pourvoi n° 15-17.485), la Cour de cassation a jugé que le point du départ du délai de trois ans pour former une demande de révision dans le cadre d’un bail renouvelé se situe à la date du renouvellement du bail et, si la date d’exigibilité du loyer du bail renouvelé a été décalée en raison du retard apporté par le bailleur à proposer un nouveau loyer, cette circonstance est sans incidence sur le choix de l’indice de base qui est celui en vigueur à la date de la prise d’effet du renouvellement.
Le bail commercial avait fait l’objet d’un renouvellement à effet du 1er avril 2007. Cependant, comme le propriétaire avait tardé à demander une augmentation de loyer, le loyer déplafonné du bail renouvelé n’était devenu exigible qu’à compter de la demande que le propriétaire avait exprimé seulement le 23 juin 2008.
En effet, si le propriétaire, dans son congé ou à la suite d’une demande de renouvellement, omet de demander un nouveau loyer, il conserve la faculté de le demander dans le délai de deux ans, mais le nouveau prix n’est exigible « qu’à compter de la demande qui en est faite »[1], par acte d’huissier de justice, par lettre recommandée ou dans un mémoire[2].
En l’espèce, comme le renouvellement prenait effet au 1er avril 2007, mais que le propriétaire n’avait demandé un nouveau loyer que le 23 juin 2008, il y avait un décalage entre la date du renouvellement et celle de l’exigibilité du nouveau loyer. Le bail était bien renouvelé pour neuf années à compter du 1er avril 2007, mais l’ancien loyer restait en vigueur jusqu’en juin 2008, le nouveau prix, déplafonné, fixé par le juge, n’étant exigible qu’à compter du 23 juin 2008.
Dans de telles circonstances, que faut-il faire, trois ans plus tard, pour demander la révision triennale : faut-il calculer le délai de trois ans à compter du 1er avril 2007, date de prise d’effet de renouvellement, ou depuis le 23 juin 2008, date de prise d’effet du nouveau loyer ?
La réponse est donnée à l’article L.145-38 du Code de commerce. Le premier alinéa de ce texte dispose : « La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins (…) après le point de départ du bail renouvelé ».
C’est donc le point de départ du bail renouvelé (en espèce, le 1er avril 2007), non la date d’exigibilité du loyer du bail renouvelé (23 juin 2008) qui importe.
Certes, le deuxième alinéa de l’article L.145-38 du Code de commerce dispose : « De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable ». Cependant, cet alinéa ne concerne pas la première demande de révision, mais les demandes de révision ultérieures. Pour la première demande de révision, le délai de trois ans se calcule à compter du point de départ du bail renouvelé.
Dans l’affaire commentée, c’est seulement le 18 novembre 2010 que le bailleur avait formé une demande de révision. On rappellera que le délai de trois ans est un délai minimum et que rien n’empêche le bailleur, qui n’a pas formé de demande de révision au bout de trois ans, de la former plus tardivement, à tout moment.
Cependant, les parties étaient en désaccord sur les modalités de calcul du loyer révisé aux indices à effet du 18 novembre 2010.
Le bailleur considérait que la période de variation à prendre en compte s’étendait du 1er avril 2007 au 18 novembre 2010, et qu’il fallait donc prendre en compte les indices du deuxième trimestre 2007 et du quatrième trimestre 2010.
Le locataire, de son côté, voulait prendre comme indice de base celui correspondant à la date d’exigibilité du loyer du bail renouvelé, c’est-à-dire celui du deuxième trimestre 2008 pour le comparer à celui du quatrième trimestre 2010.
Mais qu’il s’agisse de calculer le délai de trois ans ou de calculer la variation des indices, la règle est la même : le point de départ est bien la date de prise d’effet du renouvellement de bail.
Comme soutenait le bailleur, le bail ayant été renouvelé à effet du 1er avril 2007, peu important que la prise d’effet du loyer ait été décalée, il convenait de prendre comme indice de base pour la révision ultérieure celui du deuxième trimestre 2007.
C’est ce que confirme la Cour de cassation.
Curieusement, le locataire soutenait, à l’appui de son pourvoi, que ce calcul était contraire à l’article L.112-1 du Code monétaire et financier.
Cette argumentation procédait d’une confusion entre, d’une part, la révision légale prévue à l’article L.145-38 du Code de commerce et, d’autre part, le régime des clauses d’indexation soumises au Code monétaire et financier.
La Cour de cassation précise que ce moyen du locataire est totalement inopérant. « L’article L.112-1 du Code monétaire et financier est inapplicable à la révision triennale légale ».
[1] Article L.145-11 du Code de commerce.
[2] Article R.145-1 du Code de commerce ; sur la question voir : Cass. 3e civ. 7 janvier 2009, Administrer mars 2009, p. 42, note J.-D. Barbier.
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