Les travaux réalisés à l'entrée dans les lieux par le preneur n'ont en principe aucune incidence sur la valeur locative en cours de bail, notamment en cas de fixation judiciaire d'un loyer révisé sur le fondement de l'article 27 du décret.
Ceci découle :
- du fait que l'accession, suivant la convention des parties, n'intervient qu'en fin de bail, voire en fin de jouissance ou au départ du preneur selon la rédaction adoptée par les conventions locatives,
- mais aussi des dispositions de l'article 27 dernier alinéa du décret, selon lesquelles les investissements du preneur, ni les plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours, ne peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur locative....
C'est donc essentiellement à l'occasion du renouvellement que la question peut être posée :
Le bailleur peut-il tirer argument des travaux réalisés, soit en tant qu'élément de fixation de la valeur locative, soit au titre d'une demande de déplafonnement, comme c'est le cas le plus souvent ?
L'article 1719 du Code civil fait obligation au bailleur de délivrer la chose louée et de l'entretenir en vue de servir à l'usage auquel elle a été louée, référence implicite à l'adéquation des lieux loués avec le commerce exercé...
Mais ces dispositions sont en principe étrangères aux critères de fixation du loyer du bail renouvelé, le décret du 30 septembre 1953 comportant des dispositions spécifiques et par définition dérogatoires au droit commun....
Voici bientòt trente années que le décret du 3 juillet 1972 a introduit dans le statut des baux commerciaux une liste des critères permettant d'apprécier la valeur locative, de même que les dispositions spécifiques au plafonnement du loyer en renouvellement (articles 23 à 23.6). L'article 23.1 afférent aux caractéristiques des lieux loués fait référence d'une façon explicite à leur adéquation avec leur destination contractuelle :
- l'alinéa 3 fait référence à l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux
- l'alinéa 4 fait référence aux rapports entre ces différentes dimensions, de la conformité de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée
- l'alinéa 6 mentionne la nature et l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire
Ce texte a pour objet d'apprécier la valeur locative en l'état des lieux loués (sous réserve de l'accession) à la date de la prise d'effet du bail renouvelé, soit à une date très postérieure à l'exécution des travaux d'aménagement initial réalisés par le preneur à l'entrée dans les lieux...
Mais deux textes vont interférer en complétant ces dispositions :
- d'une part, l'article 23.6 fait référence à la modification notable des éléments mentionnés aux articles 23.1 à 23.4, si le bailleur entend solliciter le déplafonnement du loyer en renouvellement : dans cette hypothèse, il faudra donc que l'expert, puis la Juridiction saisie, procèdent à une analyse comparative qui ne découle pas expressément de l'article 23.1 entre :
- l'état des lieux à la prise de possession du preneur
- l'état des locaux à la date du renouvellement
- d'autre part, l'article 23.3 alinéa 2 du décret dispose :
"Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont pris en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge....."
Sans préciser pour autant en quoi consiste l'amélioration apportée aux lieux loués, ce qui n'a pas manqué d'entraìner de nombreuses interrogations, ce texte impose au titre de l'appréciation de la valeur locative, comme le cas échéant du déplafonnement, une distinction selon que le bailleur a participé ou non d'une façon directe ou indirecte aux travaux précédemment réalisés par le preneur.
On soulignera que l'article 23.3 alinéa 2 ne fait aucune distinction selon que les travaux auraient été exécutés à la date de la prise d'effet du bail, lors de sa prise de possession ou postérieurement à cette dernière.
Hormis l'hypothèse de travaux exécutés par le preneur antérieurement à la prise d'effet du bail, rien apparemment ne peut faire obstacle à la qualification d'amélioration, dès l'instant où les travaux ont été exécutés au cours du bail échu...
Pendant longtemps, les Cours d'appel ne paraissent pas avoir fait la distinction entre les travaux d'agencement exécutés par le preneur à la prise de possession des lieux loués et les travaux exécutés en cours de bail.
Cette jurisprudence s'inscrivait dans le contexte d'une application conjointe et non distributive des dispositions des articles 23.1 et 23.3 alinéa 2 du décret :
Il fallait établir l'existence d'une modification notable des caractéristiques des lieux loués et si celle-ci s'analysait comme une amélioration, il convenait alors d'appliquer l'alternative découlant de l'article 23.3 alinéa 2.
De nombreuses études ont été consacrées à l'examen de la jurisprudence et notamment pour différencier les hypothèses dans lesquelles l'article 23.1 était susceptible de s'appliquer seul et les cas dans lesquels on devait retenir une application conjointe des deux textes (B. Baudoin : Modification des caractéristiques du local et travaux d'amélioration, Rev. Administrer, aoùt-septembre 1994 p.9; Ph.H. Brault, note sous Cass.civ. 14 octobre 1992, Gaz. Pal. 1993.1.134; A.Jacquin : Dans quelles conditions les travaux d'amélioration permettent-ils le déplafonnement, Gaz. Pal. 1996.2, doctr. p. 551).
On soulignera que la jurisprudence paraìt actuellement s'orienter vers une application alternative des dispositions des articles 23.1 et 23.3 alinéa 2 et ce, dans le cadre du déplafonnement (Cass. 3ème civ. 26 novembre 1997, Loyers et copr. 1998, comm. 71; Cass. 3ème civ. 4 novembre 1998, Loyers et copr. 1999, comm. 41).
En ce qui concerne les travaux réalisés à l'entrée dans les lieux dans le but de les rendre adaptés à leur destination contractuelle, la Cour de cassation a rendu en l'espace de dix années plusieurs arrêts qui apparaissent contradictoires, même s'il ne faut pas perdre de vue les moyens dont la Cour d'appel avait été précédemment saisie et ceux qui étaient invoqués à l'appui des pourvois :
1.- Un premier arrêt rendu le 31 octobre 1989 (D. 1990, somm. comm. p. 254, note Rozès) a estimé "qu'était légalement justifiée la décision qui avait relevé que les travaux exécutés étaient nécessaires pour rendre les lieux loués adaptés à leur destination contractuelle et qu'ils ne constituaient pas des améliorations apportées en cours de bail....".
M. le Professeur Rozès, commentant cette décision, l'avait estimé pleinement justifiée, car les travaux de mise en conformité sont des travaux nécessaires à l'exécution de l'obligation de délivrance qui est à la charge du bailleur par l'application de l'article 1719 du Code civil.
Mais cette analyse ne paraìt pas convaincante dans la double mesure où :
- d'une part, la référence faite aux travaux de mise en conformité au regard de l'article 1719 du Code civil découlait d'une modification assez récente de la jurisprudence de la Cour de cassation qui concernait les seuls travaux de mise en conformité avec les normes administratives, en validant d'ailleurs les clauses expressément dérogatoires à l'obligation du propriétaire
- d'autre part, seuls les critères limitativement énumérés par l'article 23 du décret du 30 septembre 1953 peuvent être retenus dans le cadre de l'appréciation de la valeur locative et ce, au regard des clauses et conditions du bail
2.- Un second arrêt rendu le 10 avril 1991 par la 3ème Chambre civile (Rev. Loy. 1991, p. 285) approuve la Cour d'appel d'avoir retenu que les travaux permettant le réaménagement d'un local affecté auparavant à usage de café-restaurant en vue d'une activité totalement différente, constituaient des améliorations notables, l'accession intervenue lors du premier renouvellement entraìnant ainsi le déplafonnement à l'occasion du second renouvellement consécutif à l'exécution des travaux.
Cette décision se plaçait donc dans le cadre de l'application habituelle des dispositions de l'article 23.3 alinéa 2 selon la jurisprudence des Cours d'appel et de la Cour de cassation.
3.- Un arrêt rendu le 3 avril 1996 (Loyers et copr. 1996, comm. 312) s'est placé dans la même perspective dans la mesure où, à la suite de travaux réalisés en vue d'aménager des locaux à usage de restaurant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi dont elle était saisie en ces termes :
"Ayant retenu que les travaux réalisés étaient nécessaires à l'exploitation du restaurant et que les améliorations réalisées par le preneur ne pouvaient donc être prises en considération pour le calcul du nouveau loyer, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision sans avoir à procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérantes..."
La notion d'agencement réalisé à l'entrée dans les lieux par le preneur pour les mettre en adéquation avec la destination contractuelle, n'avait pas été, semble-t-il, soumise à l'appréciation des Juges du fond et par voie de conséquence de la Cour de cassation, le pourvoi faisant grief à la Cour d'appel de ne pas avoir précisé en quoi les travaux constituaient des améliorations et non de simples aménagements.
4.- Mais un arrêt récent (Cass. 3ème civ. 30 juin 1999, Loyers et copr. 2000, comm. 12) reprend d'une façon plus explicite encore l'idée de l'incompatibilité entre les travaux d'agencement initiaux et la notion d'amélioration.
La Cour d'appel avait estimé que les importants travaux d'agencement et d'adaptation à la nouvelle activité réalisés par le preneur en vue de substituer à un commerce de boucherie celui de restaurant-bar, étaient d'une ampleur suffisamment significative pour qu'ils constituent des travaux d'amélioration permettant ainsi d'entraìner le déplafonnement à l'occasion du second renouvellement.
La Cour de cassation censure cet arrêt sous la motivation suivante :
"En statuant ainsi, sans préciser la consistance des travaux effectivement réalisés et alors que les travaux de mise en conformité des lieux à leur destination contractuelle ne constituent pas des améliorations, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision...."
On peut sans doute faire grief à cette décision d'avoir fait référence à des travaux "de mise en conformité des lieux" et non à des travaux permettant l'adaptation des lieux loués à leur nouvelle destination : en effet, il ne faut pas confondre les travaux de mise en conformité avec les normes administratives qui s'imposent en toute hypothèse à l'occasion de la création d'une nouvelle activité dans un local et des travaux de transformation incluant le cas échéant des embellissements qui s'ajoutent aux précédents....
Mais au-delà de cette remarque, on peut s'interroger sur l'adéquation d'un tel principe avec la jurisprudence habituelle de la Cour de cassation, concernant les constructions édifiées par le preneur sur le terrain loué et ce, qu'il s'agisse d'une construction édifiée sur un terrain loué nu (article 1-2° du décret) ou d'une construction venant s'ajouter à d'autres bàtiments existants....
En effet, la Cour de cassation retient d'une façon constante que de telles constructions constituent des améliorations et ce, en dépit :
- du fait qu'elles entraìnent nécessairement des modifications notables des caractéristiques des lieux loués
- des conséquences de l'accession susceptible de jouer dès l'expiration du bail initial et ce, quelles que soient les conséquences qui en découlent au titre de la valeur locative...
(Cass. civ. 20 décembre 1989, D. 1990, somm. comm. p. 255, Obs. Rozès)
Il paraìt difficile d'admettre que le bàtiment édifié par un locataire n'ait pas pour finalité évidente l'adaptation des lieux loués au commerce exercé par le preneur....
Faudrait-il désormais appliquer l'article 23.3 alinéa 2 si la construction a été réalisée à l'entrée dans les lieux par le preneur et l'exclure si les travaux d'adaptation sont réalisés dans un bàtiment préexistant ?
Si la jurisprudence de la Cour de cassation paraìt pour le moins contrastée, il en est de même des solutions retenues par les Cours d'appel....
La plupart des décisions rendues se placent dans la perspective traditionnelle qui distingue, sans retenir la date d'exécution des travaux, les modifications des caractéristiques des lieux loués exclusives d'une amélioration ou au contraire des interventions qui doivent être analysées comme une amélioration des lieux loués avec les conséquences qui en découlent sur la date à laquelle les travaux litigieux peuvent être pris en considération (premier ou second renouvellement consécutif à l'exécution desdits travaux).
Néanmoins, certaines décisions se sont faites directement l'écho de la notion d'adaptation des lieux loués à leur destination, en évoquant l'incidence des travaux sur la fixation du loyer en renouvellement....
1.- La 16ème Chambre B de la Cour de Paris a successivement :
- suivant arrêt rendu le 11 décembre 1992 (Loyers et copr. 1993, comm. 395) estimé que les très importants travaux que le preneur avait accepté contractuellement d'assumer à l'entrée dans les lieux, doivent être qualifiés, à défaut d'autres preuves de travaux d'aménagement et d'embellissement, puisqu'ils étaient destinés à mettre les lieux en conformité avec l'objet social du preneur et avec leur destination contractuelle, le déplafonnement étant donc justifié par l'application de l'article 23.3 alinéa 2 du décret.
- suivant arrêt du 16 mars 1995 (Loyers et copr. 1995, comm. 327, Obs. C. Mutelet), statuant sur le renouvellement d'un bail portant initialement sur un local à usage de cinéma, dont l'exploitation avait cessé plusieurs années avant la prise à bail des locaux par un nouveau locataire qui les avait aménagés en vue d'une nouvelle destination agréée par le bailleur, écarté la demande de déplafonnement, en relevant que les travaux réalisés par le preneur ne constituaient pas des améliorations au sens de l'article 23.3 du décret, mais une mise en conformité nécessaire pour rendre les lieux loués adaptés à leur destination contractuelle.
- suivant arrêt du 5 novembre 1999 (Administrer janvier 2000, p. 24, Obs. Boccara-Sainturat), estimé que les travaux réalisés par le preneur, après résiliation anticipée du bail et restitution d'une partie des locaux, ont consisté à remettre en état les lieux pour les rendre exploitables et conformes à leur destination contractuelle sans avoir modifié les caractéristiques au sens de l'article 23.1.
2.- La 16ème Chambre A de la Cour de Paris a successivement estimé :
- par un arrêt du 4 février 1997 (Administrer juin 1997, p. 30, Obs. Boccara-Sainturat), que le propriétaire ne pouvait sérieusement se prévaloir d'améliorations s'agissant de travaux destinés à rendre les lieux conformes à leur nouvelle destination contractuelle.
- par un arrêt du 5 mai 1999 (AJDI 1999, p. 715) que les travaux d'aménagement effectués par le preneur constituaient une modification notable des éléments de l'article 23.3 du décret du 30 septembre 1953 et qu'en l'absence de dispositions d'ordre public imposant des travaux réalisés par le preneur, rien n'interdisait aux parties de mettre à la charge de ces derniers les travaux de mise en conformité nécessaires à l'activité envisagée. Il ne s'agit pas de travaux entrant dans le cadre de l'obligation de délivrance du bailleur, et ces travaux peuvent être invoqués pour majorer le loyer.
3.- La Cour de Rennes, suivant arrêt du 30 juin 1999 (Juris-Data n° 044920), tout en relevant qu'il s'agissait de travaux d'adaptation des lieux à leur destination contractuelle, relève que dans la mesure où le bailleur n'y a pas participé financièrement, les travaux ne peuvent être la cause du déplafonnement du prix du loyer lors du premier renouvellement du bail, en application de l'article 23.3 alinéa 2 du décret.
On peut s'interroger sur la persistance de telles divergences d'appréciation en présence de la formulation péremptoire de l'arrêt récemment rendu par la Cour de cassation le 30 juin 1999 (Cf. supra), mais il est intéressant de souligner que les hésitations des différentes Cours d'appel ne sont pas limitées aux seuls travaux exécutés par le preneur à l'entrée dans les lieux. Cette question peut aussi être évoquée :
- soit en cas de changement d'activité en cours de bail découlant soit d'un accord conclu avec le bailleur à l'occasion d'une cession, soit du large éventail d'activités autorisées, voire d'une despécialisation plénière
- ou d'une façon plus générale, à l'occasion de tous travaux entraìnant des réagencements à l'occasion desquels l'une ou l'autre des parties entendrait invoquer le bénéfice du principe posé par la Cour de cassation
Plusieurs décisions ont explicitement fait référence à cette notion :
- un arrêt de la 16ème Chambre A de la Cour de Paris du 27 mai 1998 (Administrer aoùt-septembre 1998, p. 39) a statué sur la fixation d'un loyer en renouvellement à la suite de transformations réalisées au cours de l'avant dernier bail comportant en l'installation d'un escalier aux lieu et place d'une échelle de meunier avec aménagement de la cave en espace de laboratoire pour préparations pharmaceutiques : la Cour a estimé qu'il s'agissait d'améliorations constituant de véritables travaux de mise en conformité des lieux à leur destination, puisqu'aussi bien l'activité de laboratoire pour préparations magistrales est incluse dans celle autorisée de pharmacie : elle en a donc conclu qu'il convenait de plafonner le loyer en renouvellement.
- dans le cadre de travaux entrepris par le preneur en cours d'un bail portant sur la transformation d'un ancien cabaret et établissement de nuit en restaurant-pizzéria, la 16ème Chambre B de la Cour de Paris, suivant arrêt du 12 mas 1999 (Loyers et copr. 1999, comm. 239, Obs. Ph.H.B) distingue entre les travaux nécessaires pour l'adaptation des locaux à leur nouvelle destination et ceux qui peuvent constituer une amélioration notable, en l'occurrence rejetée faute de présenter un impact suffisant.
L'examen de cette jurisprudence nous conduit à nous interroger à nouveau sur le sort des travaux réalisés par le preneur à la prise de possession des lieux et ce, à l'occasion du ou des renouvellements consécutifs à leur exécution (Cf. sur ce point, notre précédente chronique, Loyers et copr. juillet 1996, n° 10).
Plusieurs observations nous paraissent s'imposer :
1) Si les dispositions de l'article 23.3 alinéa 2 devaient être exclues en particulier pour les travaux d'adaptation des lieux loués à de nouvelles activités à l'entrée dans les lieux du preneur, ceci aura pour conséquence que la participation directe ou indirecte du bailleur, telle que visée par ce texte, sera désormais dépourvue de tout impact en renouvellement.
En d'autres termes, en dépit du caractère explicite du texte, la remise totale de loyer ou l'abattement subtantiel consenti par le bailleur à l'entrée dans les lieux, sera réduit à un geste commercial sans impact au renouvellement....
Tel serait le cas de baux conclus avant l'évolution récente de la jurisprudence, à moins qu'en cas de litige, la Juridiction saisie ne puisse estimer que les parties avaient entendu implicitement déroger aux conséquences qui en découlent.
2) L'un des arrêts précédemment cités a rappelé opportunément que les dispositions de l'article 1719 du Code civil et l'obligation de délivrance qui en découle, peuvent faire l'objet d'une dérogation conventionnelle dont la licéïté a toujours été admise, sans que cette circonstance ne puisse avoir un impact déterminant sur la mise en oeuvre de textes spécifiques à la valeur locative et à la fixation du loyer en renouvellement, comme c'est le cas des articles 23 à 23.9 du décret.
Au demeurant, le récent arrêt rendu par la Cour de cassation pourrait être l'écho implicite de la modification de la jurisprudence depuis une vingtaine d'années à propos des travaux de mise en conformité avec les normes administratives, dont il est désormais admis qu'ils relèvent effectivement de l'article 1719 du Code civil avec les conséquences qui en découlent en l'absence de dérogation explicite dans le bail.
Mais là encore, l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation ne saurait fournir un élément déterminant dans la discussion qui s'est instaurée à propos de la mise en oeuvre des dispositions spécifiques à la valeur locative et à la fixation des loyers en renouvellement.
3) Il paraìt judicieux d'examiner, comme l'a relevé à juste titre l'un des arrêts cités, si les travaux réalisés ne vont pas au-delà de l'adaptation des lieux loués à leur destination contractuelle : les investissements parfois considérables réalisés par certains locataires, compte tenu de la nature des activités exercées dans les lieux loués comme de l'enseigne, impliquent nécessairement une amélioration de la chose louée.
4) Même si la notion d'amélioration devait être exclue pour les travaux exécutés à l'entrée dans les lieux par le preneur - en allant nécessairement au-delà du texte - le problème de la modification notable des caractéristiques des lieux loués se posera néanmoins, ainsi qu'on l'avait précédemment souligné dans la chronique sus-rappelée.
Or, l'application de l'article 23.1, tant au titre de la valeur locative que du déplafonnement, est exclusive de la prise en considération de la participation directe ou indirecte du bailleur qui, en cas d'accession, peut donc librement se prévaloir de l'état des agencements réalisés à la date de la prise d'effet du bail renouvelé, soit pour calculer la valeur locative, soit même par comparaison avec l'état des locaux à la prise d'effet du bail échu, dans le cadre d'une demande de déplafonnement.
Certes, la modification doit présenter un caractère notable, mais il est à craindre que le principe posé par les deux arrêts rendus par la Cour de cassation en 1989 et 1999 n'entraine des conséquences qui soient loin d'être favorables aux locataires.
5) Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que les dispositions des articles 23.1 et 23.3 du décret ne présentent aucun caractère d'ordre public, si bien que les parties sont libres, en concluant le bail commercial, d'y déroger en prévoyant notamment que toute abattement substantiel ou remise de loyer aura pour conséquence la prise en considération des travaux réalisés par le preneur à son entrée dans les lieux lors du premier ou du second renouvellement.
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