Sur les conditions d'application de la loi du 1er Juillet 1964 et l'article 23-3 alinéa 2 du décret aux baux hotelier |
SUR LES CONDITIONS D'APPLICATION DE LA LOI DU 1ER JUILLET 1964 ET L'ARTICLE 23-3 ALINÉA 2 DU DÉCRET AUX BAUX HÔTELIERS
COUR DE CASSATION (3ème CHAMBRE CIVILE), 1er mars 2000 (Présidence de M. BEAUVOIS, M. Peyrat, cons. rapp.; M. Sodini, av. gén. - SCP Delaporte et Briard et Me Brouchot, av., ), SARL Hôtel du Nord c/ SCI Hôtel du Nord (Pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour de Chambéry ,Ch. civ., 3 mars 1998).
La notification prévue par l'article 2 de la loi du 1er juillet 1964 est une formalité substantielle dont l'omission exclut le preneur du bénéfice de ce texte, tandis que l'application de l'article 23.3 alinéa 2 a été écartée à bon droit, le commerce relevant, par sa nature, de l'article 23.8 du décret.
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La loi du 1er juillet 1964 modifiant les rapports entre bailleurs et locataires des immeubles affectés à l'hôtellerie, dont le champ d'application a été ultérieurement étendu à l'ensemble des exploitations hôtelières par la loi du 5 juillet 1979, a, bien avant l'entrée en vigueur des dispositions afférentes aux travaux d'amélioration découlant du décret du 3 juillet 1972, institué au bénéfice du locataire hôtelier la possibilité, sous certaines conditions, d'éviter la prise en considération de travaux d'équipement et d'amélioration réalisés dans les lieux loués à son initiative, sous sa responsabilité et à ses frais...
A l'occasion des nombreuses fixations judiciaires de loyer en matière hôtelière, les travaux réalisés par le preneur sont souvent évoqués dès l'instant où ils excèdent l'entretien de la chose louée, pour aboutir à un abattement sur la valeur locative, soit sur le fondement de la loi du 1er juillet 1964, soit implicitement ou explicitement sur celui de l'article 23.3 alinéa 2 du décret...
La décision commentée présente un double intérêt :
- d'une part, elle consacre une évolution de la jurisprudence allant dans un sens restrictif qui aboutit à l'inapplication du texte, lorsque les conditions de forme n'ont pas été respectées par le preneur
- d'autre part, le domaine respectif de la loi du 1er juillet 1964 et de l'article 23.3 alinéa 2 du décret se trouve pour la première fois, à notre connaissance, évoqué par la Cour de cassationdans des conditions qui peuvent s'avérer lourdes de conséquences tant pour les locations hôtelières que pour d'autres susceptibles de relever de l'article 23.8 du décret
1) Sur le premier point, après avoir énoncé la liste des travaux relevant de ce texte (article 1er), la loi du 1er juillet 1964 impose au locataire, avant de procéder aux travaux, de notifier son intention à son propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception en y annexant un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif des travaux projetés....
Cette notification fait courir un délai de deux mois pendant lequel le bailleur peut faire connaître au preneur son acceptation ou son refus, et ce à la condition que les travaux affectent le gros oeuvre de l'immeuble.
Le silence du bailleur est réputé valoir accord, tandis qu'en cas de refus dans le délai prévu, une commission paritaire doit alors être saisie, les travaux ne pouvant être entrepris qu'après avis favorable de celle-ci.....
La loi du 1er juillet 1964 d'ordre public, puisqu'applicable nonobstant toutes stipulations contraires, impose au locataire hôtelier une démarche à défaut de laquelle le preneur ne peut se prévaloir du bénéfice du texte alors qu'il peut prétendre à un abattement souvent substantiel sur la valeur locative, la jurisprudence publiée révélant que les abattements peuvent aller de 5 à 50 % selon la nature et le coût des travaux réalisés...
La sanction est lourde surtout si elle devait s'accompagner de l'autre volet découlant de la position prise par la Cour de cassation, en rejetant le pourvoi dont elle était saisie.... Il appartient donc au locataire de veiller avec une attention particulière à l'élaboration de tous plans, de même que des documents descriptifs et estimatifs qui doivent être impérativement joints, étant observé que ce dossier doit nécessairement :
- être établi en relation avec la liste des travaux énumérés par l'article 1er de la loi du 1er juillet 1964
- indiquer avec précision la ou les parties du gros oeuvre qui pourraient être "affectées" par les travaux réalisés, afin que le bailleur puisse déterminer clairement si un délai lui est ou non imparti pour répondre.
En effet, si les travaux n'affectent pas le gros oeuvre, ils peuvent être entrepris dès la notification litigieuse, étant rappelé en outre qu'aux termes de l'article 5, les contestations concernant l'exécution des travaux mentionnés à l'article 1er ne sont pas suspensives de leur exécution.
On peut supposer qu'un accord transactionnel, faisant l'objet d'une convention avec une référence explicite aux dispositions de la loi du 1er juillet 1964, échappe à cette jurisprudence restrictive mais, en toute hypothèse, les preneurs doivent prêter une attention particulière à cette jurisprudence qui se situe dans le sens d'une évolution restrictive qui faisait l'objet auparavant d'autres décisions rendues dans le même sens (Cass. civ. 5 mai 1999, Loyers et copr. 1999, comm. 263; C. Paris, 5 mars 1999, Loyers et copr. 1999, comm. 293; C. Dijon, 3 novembre 1994, Loyers et copr. 1995, comm. 376).
Sur les conditions de mise en oeuvre de ce texte et les conséquences qui en découlent, on se reportera à notre chronique publiée dans la revue "Loyers et copropriété" (septembre 2000), de même qu'à la note de JD Barbier sur ce même arrêt commenté à la revue "Administrer"(juin p. 241).
2) Ceci étant, la Cour de cassation prend également position en rejetant le pourvoi sur l'application des dispositions de l'article 23.3 alinéa 2 afférentes aux travaux d'amélioration, texte à caractère général, qui permet au preneur de reporter au second renouvellement consécutif à l'exécution des travaux d'amélioration réalisés à ses frais les effets de l'accession et ce, tant en ce qui concerne la valeur locative que, le cas échéant, le déplafonnement pour modification notable qui peut en résulter.....(cf. sur ce point : Le statut des baux commerciaux, Ph.H. Brault et JD Barbier, éd. 2000, annot. art. 23.3, p. 80 et suiv.).
La Cour de Chambéry avait estimé que, dans la mesure où les parties s'accordaient pour reconnaître que la location relevait de l'article 23.8 du décret, ce texte dérogatoire aux dispositions qui précèdent, implique que l'article 23.3 ne puisse s'appliquer aux locaux monovalents...
La Cour avait estimé qu'elle se trouvait confortée dans cette analyse par l'existence d'une législation spécifique aux immeubles affectés à l'hôtellerie qui n'aurait pas d'utilité dans le cas contraire, en l'occurrence la loi du 1er juillet 1964 qui prévoit un dispositif proche de celui qui résulte de l'article 23.3...
Indépendamment du fait que la portée des deux textes et leurs modalités d'application s'avèrent très sensiblement différentes (cf. études précitées), ceci revenait à poser le problème de la spécificité des dispositions dérogatoires au droit commun découlant des articles 23.7, 23.8 et 23.9 du décret...
Or, si l'autonomie de ces trois textes au regard de l'article 23.6 est établie depuis longtemps, on peut sérieusement s'interroger sur l'inapplication des critères énumérés au titre de la valeur locative par les articles 23.1 à 23.5, d'autant que l'existence d'une méthode spécifique d'évaluation, en l'occurrence la méthode hôtelière, n'exclut pas la prise en considération des caractéristiques des lieux, des charges incombant respectivement aux parties et de leur évolution en cours de bail, de même que de la commercialité des lieux loués.
Cette observation s'impose d'autant plus :
- que rien ne fait obligation au preneur de locaux à usage hôtelier de fonder inéluctablement sa démarche sur la loi du 1er juillet 1964
- que la liste des travaux énumérés par l'article 1er présenterait un caractère limitatif, si bien qu'on ne peut exclure à priori qu'un locataire entreprenne des travaux d'amélioration ne relevant pas spécifiquement de ceux qui sont énumérés par ce texte.
Mais dans la mesure où la Cour de cassation, contrairement à l'analyse retenue par la Cour d'appel, ne fait pas explicitement référence à la loi du 1er juillet 1964, mais seulement à l'article 23.8, on ne manquera pas d'observer que toute exploitation hôtelière ne présente pas nécessairement un caractère monovalent : la réponse découle le plus souvent de l'existence d'une location à caractère mixte faisant apparaître notamment une exploitation à usage de bar ou de restaurant dans des conditions générant un chiffre d'affaires non négligeable au regard de l'exploitation hôtelière elle-même (cf. Le statut des baux commerciaux, éd. 2000, annot. art. 23.8, p. 107).
Doit-on considérer a contrario que le caractère non monovalent exclusif de l'application de l'article 23.8 permettrait au preneur de bénéficier de l'article 23.3 alinéa 2 ?
C'est ce qui, à n'en pas douter, découle de la décision commentée...
Or, un praticien averti ne manquera pas de relever que dans cette hypothèse, le preneur hôtelier serait susceptible de bénéficier à la fois de :
- la loi du 1er juillet 1964, texte d'ordre public, dès l'instant où il procède à des travaux dans l'hôtel et ce, que la location soit monovalente ou non
- tout en conservant la possibilité d'invoquer, dès l'instant où l'article 23.8 est inapplicable, le bénéfice de l'article 23.3 alinéa 2 du décret
Le paradoxe est saisissant pour ne pas dire confondant...
3) Mais indépendamment des conséquences qui en découlent au regard des baux comportant à titre exclusif ou non une exploitation hôtelière, l'exclusion des critères de droit commun en cas de fixation du loyer d'un local monovalent, relevant de l'article 23.8 du décret, pose une autre question que la Cour de cassation ne pourra éluder.
En effet, ce texte ne concerne pas seulement les exploitations hôtelières mais aussi les cliniques, les maisons de santé, les cinémas, les théâtres, les stations-services ou garages comportant des agencements spécifiques, voire même d'autres commerces dont la monovalence a été parfois retenue (cf. sur ce point : Le statut des baux commerciaux, éd. 2000, annot. art. 23.8, p. 107).
Selon cette jurisprudence, les effets de l'accession ne pourraient être reportés au titre de la valeur locative à l'occasion du second renouvellement selon la procédure prévue à cet effet par l'article 23.3 alinéa 2, privant ainsi de nombreux locataires, dont le loyer est déjà déplafonné, du bénéfice d'un texte dont la portée, au-delà des critères spécifiques à la valeur locative, paraît manifestement beaucoup plus étendue.
Tout en prenant acte de l'analyse retenue et des conséquences qui en découlent, les praticiens souhaiteront que, très rapidement, la Cour de cassation examine à nouveau cette question en prenant soin de la replacer dans son contexte global, qu'il s'agisse d'exploitations hôtelières non monovalentes, du fait que certains travaux d'amélioration ne relèvent pas nécessairement de la loi du 1er juillet 1964 et aussi, en raison de l'existence de nombreux baux portant sur des locaux monovalents sans avoir pour autant une vocation hôtelière.
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